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Interview
Adeline Regnault parle de son roman À 18 ans demandons l'impossible !
Pourquoi avoir choisi de parler de mai 68 ?
J'ai découvert Le Péril jeune durant mon adolescence. Dans ce film culte qui se déroule en 1976, il y a énormément de références à mai 68 (« 68, c'était une belle partie de rigolade !/– […] C'était un vrai combat avec des tentatives ! ») Je me demandais ce qu'il avait de si particulier ce mois de mai…
Au collège, je faisais partie du clan des hippies et je me suis prise au jeu. Le style vestimentaire, la musique. En fait, j'aurais aimé être une baby boomeuse – les années 1990, quel ennui. J'ai commencé à m'intéresser réellement aux années 1960 au lycée. En plus de ma fascination pour les sixties, j'ai eu la chance d'avoir un prof d'histoire géo passionnant, syndiqué, militant et fan de Bob Dylan qui avait « fait 68 » pour de vrai. Au début, on n'y croyait pas, un soixante-huitard qui porte des cravates ? N'empêche que monsieur Michel c'était/est le premier dans les manifs : quand Le Pen est passé au second tour, contre l'intervention américaine en Irak, le CPE, etc. Pour moi, il incarne l'esprit 68 de résilience et de justice sociale. Ça me conforte dans l'idée qu'ils avaient tort ceux qui disaient d'un ton paternaliste « c'est normal à 18 ans d'être de gauche, tu verras après ».
« Mai 68 » c'est un combat qui a du sens, une manifestation qui réveille, un coup de gueule populaire, un doigt d'honneur au pouvoir en place et c'est pour cette raison que je voulais en parler.
Votre héroïne, Madeleine, est-elle inspirée d'une personne que vous avez connue ?
Madeleine est le fruit de mon imagination même si j'ai été très inspirée par ma cousine Eliane pour construire son personnage. Emportée dans mon fantasme "étudiante des sixties", j'ai commencé à écrire le journal de Madeleine à 17 ans, il y a une quizaine d'années, dans un petit village du sud de la France. Je rêvais d'émancipation et de la capitale. Pendant des vacances d'hiver, on a pris le train pour Paris avec une amie. J'ai logé dans la chambre d'étudiante de ma cousine Eliane à Notre Dame de Lorette au 10 rue Rodier. Celle-ci était minuscule et donnait sur le Sacré Cœur. Eliane étudiait les lettres à la Sorbonne et m'avait même fait entrer en douce dans quelques amphis pour assister aux cours. Il faisait froid et gris, je n'avais pas un sou mais j'ai follement aimé cette escapade parisienne. Je trouvais que ma cousine de vingt ans à l'époque avait une chance inouïe d'être indépendante, d'aller à la fac et de vivre sous les toits de Paris. Il y a quelques mois, j'ai ressorti le carnet de Madeleine que j'avais précieusement conservé et j'ai décidé de l'envoyer à des éditeurs pour fêter le cinquantenaire de Mai 68. Je me réjouis que Casterman ait vu en Madeleine une héroïne de papier digne d'être publiée
La musique rythme fortement la narration de votre livre. Les chanteurs que vous citez ont-ils influencé votre jeunesse comme celle de Madeleine ?
J'aime tout ce que Madeleine écoute : le bon vieux rock des sixties (des Beatles à Janis Joplin), la folk (Baez, Cash, Dylan) et la chanson française. À son âge, vu que je suis née dans les années 80, j'écoutais aussi Ben Harper, Manu Chao, Nirvana, U2 et beaucoup de chanson française : Georges Brassens, Louise Attaque, Matmatah, Noir Désir, la Tordue, les Têtes Raides, Tryo mais surtout Renaud – Renaud, c'est mon péché mignon depuis que j'ai douze ans !
Si vous deviez décrire Madeleine aujourd'hui, quelle jeune femme serait-elle selon vous ?
Il n'y a pas d'âge ni d'époque pour être révoltée. En 2018, Madeleine serait la même qu'en 1968. Bonne vivante, féministe, laïque mais surtout écolo. Elle militerait pour ces valeurs avec peut-être encore plus d'énergie. Elle défendrait le droit des femmes à disposer de leur corps et elle se battrait pour avoir les mêmes droits que les hommes. Madeleine, ayant un idéal de justice universelle vissé au corps, aiderait d'une manière ou d'une autre les migrants. Elle se mobiliserait également contre le tout jetable et la surconsommation étant donné qu'un de ses slogans préférés en 1968 était « Vous finirez tous par crever du confort ! » Enfin, en 2018, Madeleine penserait aussi que la culture et l'éducation sont les meilleures outils/armes pour lutter contre l'ignorance et toutes sortes d'obscurantisme.