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Interview
« Je veux manger un lion ! » : Rencontre avec Nathalie Dieterlé et Christophe Mauri (10/2015)
Interview de Nathalie Dieterlé
Casterman : Vous êtes née au Ghana et avez grandi au Cameroun. Les paysages de votre enfance sont-ils une source d’inspiration pour vous ?
Nathalie Dieterlé : Je suis très influencée par mon enfance africaine. J'ai grandi en pleine brousse entourée du rouge de la terre et du vert flash de la végétation.
Casterman : Les illustrations de Je veux manger un lion ! sont très expressives ; le trait est vif et les couleurs chatoyantes, mais l’ensemble est emprunt de douceur. Est-ce le mélange de plusieurs techniques qui permet cela ? Comment travaillez-vous ?
Nathalie Dieterlé : Je mets en avant les personnages avec un contour noir très marqué alors que pour le reste du dessin j'utilise une couleur de contour plus douce. Cela permet de mettre en avant la narration, tout en travaillant les détails du second plan. Je travaille à l'encre mais je rehausse mes couleurs aux crayons de couleur.
Casterman : Vous avez par le passé écrit les textes de la plupart de vos albums, cela a-t-il été difficile pour vous de vous approprier l’univers imaginé par Christophe ?
Nathalie Dieterlé : Cela a été très évident pour moi de rentrer dans le texte de Christophe. Les personnages sont apparus tout de suite, il faut croire que cela faisait longtemps que j'avais envie de dessiner un enfant ogre et un papa ogre…
Je suis contente de travailler en duo, c'est très enrichissant. J'ai cherché à m'investir dans le texte comme si c'était le mien, et parfois même à raconter avec mes illustrations des choses qui ne sont pas dans le texte. Par exemple, dans l'avant-dernière image, quand le papa ogre propose à son garçon de manger finalement un enfant, j'ai dessiné dans l’arbre des enfants qui les regardent et qui les narguent. Ils n'ont pas peur des ogres, ils s'en amusent.
Finalement, quand on illustre un album, la place laissée aux images est énorme et on peut s'y investir totalement.
Casterman : Question bonus : depuis quand les ogres portent-ils la marinière ? :)
Nathalie Dieterlé : Je vais souvent en vacances en Bretagne et je vois pas mal d'ogres là-bas qui en portent !
Interview de Christophe Mauri
Casterman : Peux-tu nous raconter comment a germé dans ton esprit l’histoire de Je veux manger un lion ?
Christophe Mauri : Tout est parti d’un zoo, que j’ai imaginé comme un supermarché pour ogre. J’ai toujours aimé les figures d’ogre. Je trouve l’ogre plus fascinant que le loup, parce qu’il a une figure humaine. Quand Nathalie Diéterlé a donné un visage à Grand ogre et à Petit ogre, leur humanité m’a immédiatement séduite. Ces deux personnages sont un père et un fils qui visitent un zoo, tout simplement… sauf qu’ils y vont pour manger un lion.
Casterman : Les petits enfants qui peuplent tes récits sont souvent bien espiègles et prompts à faire des bêtises… est-ce un hasard ?
Christophe Mauri : Peut-être que je n’en ai pas assez fait, quand j’avais leur âge ! J’ai beaucoup d’affection pour ces héros-là, surtout quand ils sont transportés dans une situation familiale. J’adore la folie des grandeurs de certains enfants – je la trouve à la fois fascinante et créatrice. Et si je devais visiter un zoo un jour, je voudrais le faire avec un marmot qui croit qu’il va manger un lion !
Casterman : Avant cet album, tu as publié chez Gallimard Jeunessela série Mathieu Hidalf, série en 5 volumes de chacun 300 pages, est-ce difficile de passer du format long au format court ?
Christophe Mauri : Oui, c’est un exercice difficile ! Dans un texte si court, les défauts se voient comme le nez au milieu de la figure. La plus grande différence entre roman et album, bien sûr, c’est que l’album s’équilibre entre texte et image. C’est d’ailleurs ce qui rend ce projet si merveilleux à mes yeux. Nathalie Diéterlé a donné vie à un univers. Avoir entre les mains une histoire qu’on a écrite, mais qu’on redécouvre à chaque page, c’est une expérience super.
Casterman : Ton album, avec ses rimes et son schéma narratif basé sur la répétition, fait penser à de grands classiques comme La grenouille à grande bouche ou Le petit chaperon rouge. Peut-on dire que c’est un hommage aux lectures de ton enfance ?
Christophe Mauri : Non, je ne crois pas ! L’idée de rendre un hommage ne me parle pas ; il me semble que ça appartient à des auteurs qui ont déjà une longue et belle carrière. En revanche, ces grands classiques sont à la source de l’imaginaire et chacun, lecteur ou auteur, a le droit d’y puiser. Les contes sont nés de l’oralité et de la répétition, avant que Perrault leur donne une première vie littéraire. Je les aime pour ça et c’est tout à fait juste que je m’inspire d’eux.
La grenouille à grande bouche est un album que j’adore ; je l’ai lu enfant. Je ne l’avais pas sous les yeux au moment d’écrire Je veux manger un lion, mais il était sûrement quelque part dans ma mémoire de lecteur !